Le port du casque obligatoire ?

13 février 2008  : le port obligatoire du casque n’a pas été retenu par le CISR (Comité interministériel de la sécurité routière). Lire l’article.


6 novembre 2007  : la réponse de Monsieur Jean-Louis Borloo, Ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement Durables, à l’ADAV.


Octobre 2007

UNE décision rendant obligatoire le port du casque à vélo pourrait être prise en France très prochainement. Cette mesure, qui n’a été précédée d’aucune concertation ni d’examen sérieux de ses conséquences, serait à l’opposé de la législation actuelle dans les pays européens qui ont développé de véritables politiques cyclables, et ne tirerait pas non plus la leçon des décisions fâcheuses prises en ce domaine ici ou là dans le passé.

L’ADAV a exprimé sa préoccupation à ce sujet en écrivant le 17 octobre à l’ensemble des députés de notre région, ainsi qu’au maire de Valenciennes, dont Monsieur Borloo est le premier adjoint ; on lira ci-dessous les réponses reçues de

 Monsieur Bocquet, député-maire de Saint-Amand-les-Eaux ;
 Monsieur Cacheux, député du Nord ;
 Monsieur Daubresse, député-maire de Lambersart ;
 Monsieur Decool, député-maire de Brouckerque ;
 Monsieur Delcourt, député-maire de Lens ;
 Monsieur Dolez, député du Nord ;
 Madame Duriez, députée du Pas-de-Calais ;
 Monsieur Facon, député du Pas-de-Calais ;
 Monsieur Huyghe, député du Nord ;
 Monsieur Lang, député du Pas-de-Calais ;
 Monsieur Lazaro, député-maire de Phalempin ;
 Monsieur Riquet, maire de Valenciennes ;
 Monsieur Vanneste, député du Nord.

La lettre de l’ADAV

Pour s’informer, on consultera le dossier Casque sur le site de la FUBicy.

Ci-dessous les courriers adressés par la FUBicy (Fédération des Usagers de la Bicyclette) et la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) à Monsieur le ministre Jean-Louis Borloo.



Strasbourg, le 4 octobre 2007

À Monsieur Jean-Louis BORLOO, Ministre d’État en charge de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables

Monsieur le Ministre,

C’est avec satisfaction que notre fédération a pris connaissance des propositions de romotion du vélo émises par le groupe 1 du « Grenelle » de l’environnement. Depuis plus de 30 ans la FUBicy milite avec ses 150 associations locales pour que le vélo trouve sa place comme mode de transport à part entière. Ces efforts sont en train de trouver, au travers de l’essor de la pratique de la bicyclette en ville, un résultat encourageant ; il serait aussi injuste de ne pas évoquer l’action des élus locaux qui contribuent à cette évolution. Pourtant ce combat est loin d’être gagné tant les obstacles restent nombreux, comme en particulier l’image de dangerosité associée à tort au vélo. Cette perception du vélo comme un mode dangereux est démentie par toutes les statistiques, à commencer par les bilans annuels de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière, mais elle reste solidement ancrée dans l’opinion publique et nous nous réjouissons que les initiatives récentes de mise à disposition de vélos en libre-service, permettent petit à petit de démontrer qu’il n’est pas si risqué de se déplacer à vélo.

Malheureusement, dans le même temps, nous venons d’apprendre que la Direction de la Sécurité et de la Circulation Routières a annoncé publiquement, à l’occasion d’un colloque international, son souhait de rendre le port du casque obligatoire à vélo, en commençant par les jeunes de moins de 14 voire de 18 ans.

Cette mesure qui part d’un sentiment louable de protéger les cyclistes aurait malheureusement le même effet en France que celui qu’elle a eu en Australie où l’essor du vélo a été brutalement interrompu et où il a pu être constaté une baisse de près de 30% de la circulation cycliste du jour au lendemain ; dix années ont été nécessaires pour enrayer cette baisse de la pratique
En parallèle cette désaffection pour la circulation à vélo a entraîné un risque plus grand pour les cyclistes restants, puisque la baisse des accidents s’est, elle, limitée à 20%.. Ce résultat n’est pas isolé : partout dans le monde, le risque d’accident rapporté au nombre d’usagers diminue lorsque la pratique du vélo augmente. Aucun grand pays européen « cyclable » ne s’est d’ailleurs engagé dans cette voie du casque obligatoire.

Cette mesure nous semblerait d’autant plus inappropriée que les données de la Sécurité Routière montrent que le taux de lésions au crâne dans les accidents de la circulation n’est pas plus élevé chez les cyclistes que chez les piétons : imagineriez-vous l’obligation des piétons à porter un casque ?

Nous protestons depuis longtemps contre cette fausse bonne idée du casque obligatoire, et nous ne comprendrions pas qu’au moment où de nombreux partenaires sociaux souhaitent soutenir la pratique du vélo au quotidien, les pouvoirs publics commencent par adopter une mesure qui aille dans le sens inverse. Nous attirons en particulier votre attention sur le risque –déjà constaté dans plusieurs pays- que des cyclistes potentiels, et en particulier les adolescents (tranche d’âge où la pratique du vélo avait le plus chuté en Australie), face à l’obligation de port du casque, choisissent finalement de recourir aux deux-roues motorisés, bien plus nuisibles pour la sécurité routière et l’environnement.

Nous vous demandons d’intervenir auprès des services de la Sécurité Routière afin que cette mesure ne soit pas mise à l’ordre du jour du prochain CISR. Il nous semble utile à l’intérêt commun de ne pas prendre de décisions prématurées, dont les effets contre-productifs sont connus, sans engager au préalable une concertation auprès des usagers et des collectivités locales.

Nous vous remercions par avance de l’attention que vous aurez portée à notre demande.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Christophe RAVERDY, président de la FUBicy


À Monsieur Jean-Louis Borloo, Ministre de l’Écologie, du Développement
et de l’Aménagement Durables

Monsieur le Ministre d’État,

À la fois association de consommateurs agréée par l’État et association de
défense de l’environnement, la FNAUT travaille, depuis sa création en 1978,
à la définition et à la promotion d’une politique des transports conforme
aux exigences économiques, sociales et environnementales du développement
durable. Elle se préoccupe du développement des transports collectifs mais aussi de
l’usage des modes non motorisés, en particulier du vélo, au sujet duquel
elle est intervenue énergiquement au sein de l’atelier transport du Grenelle
de l’environnement.

Nous venons d’apprendre que le gouvernement s’apprête à rendre obligatoire
le port du casque à vélo. Une telle mesure, qui n’a été adoptée par aucun
des pays européens voisins connus pour le succès de leurs politiques
cyclables, nous semble inutile, anti-pédagogique et même contre-productive.

 Les cyclotouristes et cyclosportifs roulent souvent à vive allure et,
surtout s’ils se déplacent en peloton, ont intérêt à porter un casque qui
les protège en cas de chute ou de collision avec un obstacle fixe. Le cas
des cyclistes urbains est bien différent car ils roulent pour la plupart à
allure lente ou modérée.
Contrairement à une idée reçue, l’usage du vélo urbain n’est pas dangereux,
et les lésions crâniennes ne sont pas plus fréquentes chez les cyclistes
urbains que chez les piétons que personne ne songe à équiper d’un casque.
L’explosion de la pratique du vélo dans les villes d’Italie du nord et plus
récemment à Lyon et à Paris n’a d’ailleurs été accompagnée d’aucune
aggravation de l’insécurité, bien au contraire.
C’est l’usage des deux-roues motorisés qui présente de graves dangers, et
ce sont ces dangers qui doivent être appréhendés en priorité car le nombre
de motocyclistes et scootéristes augmente rapidement en ville.

 L’obligation du port du casque serait antipédagogique. Il faut au
contraire agir sur le comportement, souvent agressif, de l’automobiliste,
l’inciter à respecter les usagers les plus vulnérables de la voirie.

 Selon une étude britannique récente, l’obligation du casque pourrait au
contraire être un facteur de risque pour les cyclistes : en effet,
l’automobiliste prend moins de précautions lorsqu’il double un cycliste
casqué, considéré comme moins vulnérable qu’un cycliste non casqué.
Un psychologue britannique l’a vérifié dans les rues de Salisbury et
Bristol : à l’aide d’un capteur de distance et d’un ordinateur montés sur
son vélo, il a enregistré 2500 dépassements par des automobilistes, la
moitié casquée, l’autre moitié tête nue. Le port du casque réduit la distance
de dépassement de 8,5 cm. Sa conclusion : le casque est utile pour les
jeunes enfants et en cas de chute à vitesse réduite, mais il rend aussi une
collision plus probable.

 L’expérience a montré que l’obligation du casque, accessoire encombrant,
peu esthétique et facile à voler, décourage l’usage du vélo (la
quasi-obligation de l’antivol est une contrainte suffisante). En Australie,
exemple bien connu des spécialistes, elle a provoqué une désaffection
immédiate, de l’ordre de 30%.
L’obligation du casque est par ailleurs contradictoire avec les efforts des
collectivités locales et des entreprises, à travers les plans de
déplacements d’entreprises, pour promouvoir l’usage du vélo.

 La sécurité des cyclistes dépend essentiellement de la place qui est
accordée par les collectivités locales à la voiture et des vitesses
autorisées aux automobilistes. Une enquête de la DSCR a montré que le
nombre des cyclistes tués a diminué de 30% entre 1992 et 2001 alors que la
diminution de la mortalité n’a été que de 15% pour l’ensemble des usagers de
la voirie : selon elle, cette évolution n’est pas due à la diminution du
nombre des cyclistes pendant cette période, mais à l’extension des
aménagements cyclables urbains et périurbains. À Amsterdam ou Ferrare, les
cyclistes ne portent pas de casque : les aménagements de la voirie suffisent
à les protéger.

En conclusion, l’usage du vélo, mode de déplacement respectueux de
l’environnement, bien adapté au milieu urbain par son faible encombrement et
excellent pour la santé, doit être encouragé, en particulier chez les
jeunes, et non découragé par une mesure inutilement contraignante,
dogmatique car elle ne s’appuie sur aucune base scientifique sérieuse (comme
l’obligation d’utiliser les codes de jour, qui a échoué et dont heureusement
on ne parle plus), et technocratique car elle néglige ses conséquences sur
le comportement des cyclistes quotidiens, qu’il ne faut pas confondre avec
les cyclotouristes.

Il y a des mesures, directes et indirectes, à prendre plus efficaces pour
améliorer la sécurité des cyclistes que l’obligation du casque et, pourquoi
pas, d’une armure.
L’État peut ainsi lancer une vaste campagne incitant les cyclistes à
s’équiper d’un éclairage correct. Il peut accélérer l’adoption d’un code de
la rue, selon le modèle belge, afin de protéger les usagers les plus
vulnérables de la voirie urbaine. Enfin il peut multiplier les radars
automatiques, et décider un abaissement général des vitesses de 10 km/h sur
le réseau routier, mesure recommandée par l’atelier transport du Grenelle de
l’environnement, qui a fait l’objet d’un consensus parmi les participants.

Vous remerciant de votre attention, je vous assure, Monsieur le Ministre
d’État, de ma haute considération.

Jean Sivardière, président de la FNAUT