Les Pays-Bas, monarchie cyclable

Nous reproduisons ici un article d’Olivier Razemon, journaliste au Monde, publié le 30 avril 2013 dans son blog L’interconnexion n’est plus assurée, au sujet des relations étroites qu’entretient la monarchie néerlandaise avec le vélo, en lien avec l’actualité (couronnement d’un nouveau roi). Il a bénéficié d’informations précieuses de Sébastien Torro-Tokodi, chargé de mission à Droit au vélo, fin connaisseur de la situation du vélo aux Pays-Bas (d’origine hollandaise par sa mère).


 

Les Pays-Bas, monarchie cyclable

 

Qu’il est loin le temps où les Néerlandais brocardaient Willem-Alexander, leur nouveau roi, en lui attribuant le sobriquet de « Prins Pils » (le « Prince bière »). Un héritier trop gâté qui passait ses soirées à boire et à raconter des blagues. Le prince, aujourd’hui âgé de 46 ans, qui accède au trône ce 30 avril, le traditionnel « jour de la reine », a manifestement réussi son opération de séduction. Dans la soirée du 29 avril, des milliers de personnes, portant un vêtement orange, la couleur du royaume, se pressaient, en voiture, à vélo ou en train, dans le centre d’Utrecht, pour participer au marché aux puces qui accompagne chaque année la fête de la reine. Plusieurs personnes portaient des couronnes de pacotille ou arboraient le manteau rouge traditionnellement porté par la souveraine.

Pays-Bas, monarchie cyclable

À Amsterdam, capitale du royaume, l’impétrant se prépare à son métier depuis longtemps, en tout cas bien avant que sa mère, la reine Beatrix (lire ici son portrait), n’ait annoncé, en janvier, sa prochaine abdication. Willem-Alexander voyage, participe à des manifestations officielles, parle à la presse. Dans une interview télévisée, voici quelques semaines, le prince apparaissait apaisé, rassurant, royal. « Sa femme Maxima, très appréciée des Néerlandais et d’habitude particulièrement volubile, se contentait de sourire gentiment à ses côtés », a remarqué la journaliste Diet Groothuis, qui travaille pour Trouw (« Loyauté »), un quotidien chrétien.

Vélo-cargo. Parmi les attributs du nouveau roi, on observera que le vélo figure en bonne place. Ce qui semble être la moindre des choses aux Pays-Bas, où environ un quart des trajets quotidiens s’effectuent à bicyclette. Fervent amateur de bolides motorisés, Willem-Alexander se montre régulièrement sur une selle, avec son épouse ou en famille. A l’occasion, il utilise un « bakfiets », ou vélo-cargo, ce baquet qu’apprécient les Néerlandais, pour emmener ses trois filles, de parfaites princesses blondes, à l’école. C’est du moins le message que fait passer la famille royale. Sur le site officiel de la monarchie, de nombreuses photos montrent le nouveau souverain maniant la petite reine… En cherchant ailleurs, on tombe aussi sur des photos présentant Willem-Alexander, Maxima et leurs enfants à vélo, mais cette fois entourés d’une nuée de photographes.

Le vélo, encore un coup de com’ ? Pas si sûr. « On voit de temps en temps le prince et ses filles à vélo sur la route de l’école, même lorsqu’il n’y a pas de photographes », témoigne Marja Opdam, une habitante de Wassenaar, où vivait jusqu’à présent la famille princière. « De toute façon, pour se déplacer aux Pays-Bas, surtout le matin pour emmener des enfants à l’école, le vélo est le moyen de transport le plus simple », souligne la journaliste Diet Groothuis. On se montre sceptique. Un futur roi dispose sans doute d’une voiture, d’un chauffeur, de gyrophares et du droit d’emprunter les sens interdits et de griller les feux ? « Non ! », s’exclame la journaliste. « ci, ce serait très mal vu ! Les souverains perdraient immédiatement dix points de popularité. » Le vélo quotidien, pour Willem-Alexander et sa famille, « fait partie de leur mode de vie. Les enfants vivent plus ou moins normalement, loin des caméras, sauf de temps en temps, lorsque le protocole l’exige », assure-t-elle.

L’exemple de la grand-mère. La reine sortante, si l’on peut l’appeler ainsi, ne se montrait d’ailleurs pas aussi cyclable que son fils. « Elle apprécie de monter à cheval, mais je ne l’ai jamais vue sur un vélo », admet Diet Groothuis. À l’ancienne, un peu comme la reine d’Angleterre. Willem-Alexander s’inspire davantage de sa grand-mère, la reine Juliana, qui se montrait régulièrement sur une bicyclette. La reine (1948-1980) avait contribué à convertir les Néerlandais au vélo dans les années 1970, alors que le pays souffrait d’une pénurie de pétrole au point d’organiser à la hâte des « dimanches sans voiture » pour économiser le précieux liquide.

Jalousies. Au Royaume-Uni, autre monarchie européenne, on raille volontiers ces « bicycle monarchies », Pays-Bas, Suède ou Danemark, où les souverains se déplacent à vélo et non en carrosse (lire ici l’histoire de ce transport royal), comme il se doit. Le roi Willem-Alexander s’en moque. Lui, au moins, succède à sa mère. À Londres, dans sa résidence de Clarence House, le prince Charles doit être jaloux.

NB : merci à Sébastien Torro-Tokodi, chargé de mission à l’association lilloise Droit au vélo et de mère néerlandaise, qui m’a aidé à trouver informations et contacts.

Olivier Razemon